Claire Fontaine naquit en 1740, au moment où le canton de Bolton n’était pas encore légalement constitué. La seule voie d’accès rapide à la Grand’route était la rivière Missisquoi traversant la vallée du Nord au Sud.
Fille d’agriculteurs et dotée d’une détermination à toute épreuve, elle fut la seule de ses frères et soeurs à apprendre à écrire. Elle écrivait à son prétendant Louis Beauregard, se rappelant leurs étreintes dans le champ de lavande. Sachant que personne ne pouvait lire sa correspondance, elle se laissait aller à un brin de grivoiserie.
De plus en plus frétillant de désir, Louis ne fut pas long à réagir. À la veille de Noël, juste avant la messe, il demanda la main de Claire à son père. Le mariage fut prévu pour l’été 1759. C’était sans prévoir qu’au printemps, les Anglais débarqueraient dans la région de Québec.
Au grand désespoir des amoureux, les gaillards les plus robustes furent appelés au front pour sauver la Nouvelle-France. Louis dut quitter, et sa dulcinée, et le canton de Bolton, par la rivière Missisquoi pour entreprendre un long voyage jusqu’à Québec. Après un dernier baiser fougueux, il fit la promesse à Claire de revenir rapidement, et qu’ils se marieraient aussitôt.
Lorsque que se pointa la période de floraison de la lavande, Claire cueillit d’innombrables petits bouquets odorants. Afin de pouvoir respirer ce parfum apaisant à toute heure du jour, elle eut l’idée de placer des brindilles dans un petit sac qu’elle glissa au fond de sa poche de tablier. Une fois sa besogne terminée, chaque soir, elle se hâtait vers sa roche, la plus haute du canton, attendant de voir poindre son beau Louis.
L’hiver arriva, la rivière gela, et même si Claire avait peu d’espoir de voir son amoureux revenir à pied, par temps doux, elle retournait à sa roche. À la fonte des neiges, la rivière s’ouvrit brusquement et un éboulement déclencha des chutes aussi majestueuses que meurtrières. Claire Fontaine ne revint jamais de sa roche.
À la période de floraison de la lavande, on raconte que la chute dégageait un si fort parfum de lavande que les villageois s’en servaient comme d’une huile aromatique. Les proches de Claire Fontaine érigèrent une petite croix fleurie de lavande, en l’honneur des tourtereaux et de leur amour, devenu éternel.
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