La fin avait commencé à l’aube de la révolution industrielle, en 1850, et avait culminé en 2055. Une longue courbe exponentielle de cupidité, d’arrogance et de bêtise avait entrainé et avalé l’homme peu de temps avant l’éternité.
Toutes les abeilles sont mortes, sauf moi, constatait avec désolation la reine des abeilles. Elle en avait vu tant et autant que le Créateur : glaciation, extinction, tempête solaire mais, au grand jamais, elle n’avait vu d’êtres plus pragmatiques et efficaces dans l’art de la destruction que l’homme lui-même. Le respect, l’amitié, la dignité, le savoir, la mémoire, la solidarité, bref tout y était passé.
Bien des années après le dernier arbre coupé, le Créateur et la reine des abeilles s’entretenaient encore et encore de l’ampleur du désastre. La reine se vidait le cœur devant le Créateur : « Les humains se sont montrés incapables de solidarité et de respect avec leur frénésie de vouloir tout contrôler. Cette soif de pouvoir a été plus destructrice que les radiations, le varroa, les cellulaires, le transport, la pollution ... À quoi bon continuer ?! »
Le Créateur : « Allons, qui sait si cette fois-ci ne sera pas la bonne! »
La reine des abeilles : Mais comment y croire ? Il n’y a plus rien qui pousse, l’air, l’eau et le sol sont contaminés à perpétuité! Il reste des montagnes oui, mais faites de bouteilles en plastique! Le cycle infernal reprendra ...
Le Créateur : Chère reine, j’avoue que cette fois-ci fut la chaîne de bêtises la plus longue et la plus désastreuse. Mais justement, l’homme a peut-être appris de ses erreurs. Comprends-moi, je dois tenter tout ce qui est possible pour honorer ma mission de donner la vie sur la Terre.
Et, sur ces paroles, il se transforma en abeille et féconda la Reine. Quelques temps plus tard, la colonie était de nouveau fonctionnelle. Les abeilles, zélées, allaient et venaient à la recherche d’un petit coin où la vie pourrait refleurir à nouveau.
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