Les années 20, à Montréal, se résument en peu de mots : travail de misère, alcool, jazz, blues et relâchement des mœurs. Les bars, hôtels, clubs pullulent, les bordels roulent à plein régime.
J’attire votre attention sur une de ces maisons closes tenue par Lili Napoli, dite « Miss Lili ». Celle-ci, d'origine italienne, respirait la sensualité par tous les pores de sa peau. Provocante, elle flanquait au visage des hommes sa généreuse poitrine pour les laisser haletant de désir. Ses jambes sveltes et infiniment longues, son regard aguichant, son corps de tigresse était prêt à bondir sur tout homme assez riche pour s’offrir une nuit torride en sa compagnie.
Miss Lili parcourait le monde, en bourgeoise libertine, collectionnant les amants des pays exotiques. Mais, un jour, lasse de ces incessants voyages, et riche à craquer, elle décide de s'établir à Montréal. Sa seconde nature pour faciliter les intrigues galantes et les rencontres charnelles l’a poussa à ouvrir une maison close située en plein coeur du « Redlight ». Celle-ci devint rapidement la préférée des hommes d'affaires qui se payaient du bon temps en toute discrétion.
Plusieurs ignoraient que le vif succès de Miss Lili n’était pas imputable qu’à ses talents d’entremetteuse. Lors d’un voyage en Chine, la femme d’expérience avait été initiée aux vertus aphrodisiaques de la cannelle. Sachant que cette épice, complice des phéromones, pavait la voie pour la volupté à venir, elle avait pris l’habitude de disposer de la cannelle dans chacune des pièces de sa maison aux mœurs légères. Elle préparait également une eau de cannelle qu’elle aspergeait entre les draps pour érotiser les mâles et les femelles. Les clients étaient accros de l’odeur piquante et de l'effet qu'elle provoquait sur leur libido.
Lili Napoli fut la reine des entremetteuses jusqu'en 1929, année où la bourse de Wall Street s’effondra, entrainant avec elle les économies du monde entier dans la Grande Dépression. Mais Miss Lili ne se laissa pas abattre. Elle se retira à la campagne et fonda une fabrique artisanale de savons à la cannelle. Toutes ses barres de savon distribuées dans les grandes villes nord-américaines portaient un signe distinctif : un cœur imprimé en son centre.