Alors que le Cameroun était en pause pour la fête du travail, nous avons bossé très fort ces deux derniers jours!
Le deuxième jour de la formation, ma chère Ladi a pris le lead. Elle nous a surpris car on ne s'y attendait pas, mais c'est le but, ultimement, de l'opération: la formation des formateurs. C'est ce qu'on avait fait à Tropical Forest. Elle avait vraiment travaillé fort à monter un cahier de formation converti pour les besoins des populations, qui n'ont pas accès à des outils de mesure comme la balance. Tout a été transformé en proportions et unités de mesures en volume. C'était juste... wow! Ça a été une journée super intense en formation et production accotée de 9h à 17h, en plus de l'heure de voyagement le matin (une heure pour 16km de brousse, la route est très endommagée...) et même chose le soir, le tout sous la chaleur et l'humidité intenses! Richard a quand même travaillé super fort, on a fait la recette du savon moabi-coco (celui qui avait été difficile à faire à TF) qui a super bien réussi avec les nouvelles proportions avec plus d'huile de coco, et la pommade. Parce que les gens de ces communautés ont plus facilement accès à l'huile de coco qu'à l'huile de mballaka, on a décidé de faire une pommade à base de coco. Sa majesté la Reine de la communauté accueillante, Catherine, nous a confié que toute sa vie, elle croyait que les ingrédients qui servent à fabriquer les cosmétiques venaient d'ailleurs, et que c'était inaccessible. Elle était si surprise de constater qu'on pouvait facilement fabriquer des cosmétiques avec les huiles des plantes que les communautés cultivent. Si on a servi à ça, c'est déjà génial!
De son côté, Ladi a démontré la fabrication du savon à l'huile de palmiste, utilisée traditionnellement ici comme savon ménager tout aller. Ensuite, Ladi a fait fabriquer des savons au coco et des savons moabi-coco. Bref, on a bossé dur toute la journée, car l'équipe de Tropical Forest voulait clore la formation le deuxième jour. C'est quand même rare que les femmes quittent leur communauté, elles devaient y retourner dès que possible.
À la fin, Tropical Forest ont procédé à une distribution de matériel pour toutes les bénéficiaires du programme, qui étaient aussi rémunérées pour assister à la formation. Les 28 femmes sont reparties avec un kit complet de matériel de fabrication de savons, un moule, et une coupeuse par communauté. J'ai vraiment bon espoir que plusieurs d'entre elles vont avoir envie de poursuivre l'aventure d'une savonnerie dans la jungle!
En bref, c'était MISSION ACCOMPLIE! C'est le cas de le dire. Puisque Tropical Forest sont autonomes pour former, ils iront seuls au Dja, et nous rentrons au Canada sous peu. C'est pourquoi nous sommes de retour à Yaoundé, et aujourd'hui on passe notre test PCR, toujours obligatoire pour entrer au Maroc. On repart samedi matin vers Casablanca, puis vers Montréal lundi. Je sais que notre collaboration avec Tropical Forest ne fait que commencer. On est beaucoup trop attachés à eux pour en rester là. Demain, on retourne leur dire aurevoir et récupérer la matière première qu'on mettra dans nos valises et qui te permettra de faire les tests pour les nouvelles recettes, et éventuellement de pouvoir passer une commande pour, qui sait, une nouvelle gamme de produits issue du Cameroun? Je sais que ce sont des produits que nous devrons importer, et je comprends que ça va un peu à contre-sens de nos achats habituels, le plus localement possible. Tu vois, si les communautés sont déjà bien installées pour la récolte et Tropical Forest pour la transformation des matières premières, ils ont besoin de clients pour faire tourner la roue. Ils ont besoin de vendre de grandes quantités de matières premières pour que les communautés puissent continuer à récolter les fruits de la forêt, tirer un revenu de leurs récoltes, et abandonner leurs anciennes activités économiques moins éthiques, comme le braconnage. J'ai envie qu'on participe à faire tourner la roue économique de ces communautés. Je sais qu'on peut le faire. J'apporte du moabi, du beurre de mangue sauvage, de l'huile de djangsang, de l'huile de mballaka, de l'huile de chébé, on verra bien tout ce qu'on peut faire avec ces trésors!
Je dépose tout ça et demain je parlerai de comment je me sens après avoir vécu ces expériences transformantes. Je suis certaine que je verrai les choses autrement. On vit tellement dans le luxe et l'opulence, au Québec.
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Marie-Eve Lejour
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