À cette époque où les rivières étaient les voies de transport les plus rapides, à chaque automne venu, Yvan Beauchemin, un rugueux de chantier, quittait son Estrie natale pour se rendre jusqu’au bout de la Gatineau pour défricher et bûcher. Le bois était une matière de première nécessité en ces temps de grands projets de construction. De l’aube à la brunante, Beauchemin et ses compagnons abattaient des arbres, les sciaient et les empilaient.
Les mois d’hiver étaient rudes et longs. À l’approche de Noël, les hommes commençaient à se languir de passer du temps en famille. À la Saint-Sylvestre, aussitôt que le patron de Beauchemin sortait la Jamaïque, les esprits s’échauffaient et les hommes se permettaient des excentricités. Une fois minuit sonné, les hommes se réunissaient et enfourchaient le canot d’écorce enseveli dans la neige. Un pacte conclu avec le diable, quelques mots magiques et hop, le canot se soulevait de terre et ils s’envolaient vers les Cantons-de-l’Est rejoindre leur parenté pour fêter le Nouvel an jusqu’aux aurores. Durant le voyage où ils couraient la chasse-galerie, ils se gardaient de prononcer les mots d’église et devaient à tout prix éviter d’accrocher le canot aux croix des clochers d’Église, sans quoi ils iraient directement en enfer! Ces Rugueux de chantier ne craignaient ni Dieu ni Diable, et ils auraient tout sacrifié contre la chaleur des filles des Cantons, douces comme du sucre d’érable. Avant de quitter le chantier, cependant, ils avaient pris soin d’utiliser ce savon exfoliant qui leur faisait une peau satinée, à laquelle il était absolument impossible de résister…
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